Qui es-tu Apollon ? De Juliobona à la culture pop l'exposition qui fait pétiller l'Antiquité

A l'occasion du 200e anniversaire de la découverte de l'Apollon de Juliobona, le plus grand bronze antique découvert en Gaule, et aujourd'hui conservé au Musée du Louvre, le Musée Juliobona de Lillebonne organise une exposition transversale sur la figure de ce dieu aux multiples facettes, à voir jusqu’au 30 novembre 2023. 

Apollon, une figure qui traverse les âges

Répartie en cinq sections, l'exposition fait dialoguer les œuvres de différentes époques et de différentes natures allant de la sculpture antique au Playmobil le plus récent en passant par l’art contemporain. 

Après une introduction qui replace le dieu de la beauté masculine, de la musique, des arts et de l'harmonie dans sa famille ainsi que dans le panthéon gréco-romain, chacune des sections suivantes s'accorde sur un aspect : l'artiste entouré des neuf muses sur le Parnasse, portant sa lyre ; la divinité prophétique et son célèbre sanctuaire de Delphes qui a, jusqu’à la période romaine, présidé à la destinée des hommes et des cités par ses oracles alambiqués ; mais aussi la face sombre du dieu colérique et violent. 

Apollon, dieu solaire dont la beauté est telle qu'elle est devenue proverbiale pour désigner un parangon de beauté masculine, éphèbe aux muscles saillants et à la peau lustrée. Il a traversé les époques, a été incarné par les plus grands personnages tel Louis XIV qui se comparait au dieu solaire dans ses jeunes années. Si au Moyen  ge Apollon revêt une signification plus ésotérique et divinatoire que l’on peut retrouver par exemple dans les lames de tarot dès la Renaissance, il retrouve son statut de dieu des arts et devient un motif décoratif très en vogue. Surtout qu’avec les premières fouilles archéologiques, plusieurs statues antiques le représentant sont mises au jour. Aujourd’hui, Apollon bénéficie d’une aura glamour et est régulièrement cité dans les arts comme la mode ou la musique.

Mais il ne faut pas oublier les aspects sombres du dieu qui sait se montrer colérique, cruel avec ses adversaires, violent et agressif avec les femmes. Le dieu prend la mouche très rapidement et sa vengeance est toujours terrible. De plus, malgré sa beauté, il n'est pas rare qu'une femme se refuse à lui et qu'il devient harceleur voire agresseur. Il a fait de nombreuses victimes tant déesses que nymphes ou simples mortelles. Pour illustrer ces aspects les moins favorables, ce sont trois mythes antiques terribles qui sont illustrés : le châtiment de Marsyas écorché vif après avoir perdu un concours de musique face à Apollon, le meurtre des enfants de Niobé après que cette dernière se soit moquée de la mère du dieu moins fertile qu’elle et la fuite éperdue de Daphné changée en laurier pour échapper aux assauts lubriques du dieu. Daphné qu'il va posséder tout de même puisqu'il s'empare de son bois et de ses feuilles dont il se tresse une couronne et pare ses armes. 

Métonymie

L'exposition regorge également de métonymies. Parfois le dieu n'est représenté que par un de ses attributs comme la lyre, la couronne de laurier voire le soleil et les flèches qui assurent sa présence sur du mobilier comme des pendules. Ces attributs très reconnaissables peuvent également être transférés à un personnage souhaitant être assimilé au fils de Zeus, que ce soit un membre de la royauté ou une artiste comme Lady Gaga.

Par ailleurs, la figure de l’Apollon du Belvédère, conservée au Musée du Vatican, est devenue tellement iconique qu’elle illustre à elle seule la statuaire antique masculine. A ce titre, cette représentation apollonienne devient elle-même une métonymie des dieux et de la statuaire grecque au même titre que la Vénus de Milo du Louvre. Puissamment évocatrice, la figure de l’Apollon du Belvédère est souvent convoquée dans la publicité et dans l’art contemporain.

Avec 70 œuvres de tailles diverses, la scénographie de l’exposition est à la fois resserrée par thématique et colorée avec ses couleurs baroques et ses dais pourpres qui évoquent l’Antiquité. Quelques tapisseries du meilleur goût figurent des détails ou des agrandissements d’œuvres représentant le dieu ou un de ses avatars (j’adore, j’en voudrais presque une pour chez moi).

La forme semi-circulaire de certains cartels est une bonne idée tout comme différents dispositifs ludiques de médiation, soit avec des écrans numériques, soit avec des petites plaques de bois à manipuler, façon puzzle. Des bancs permettent non seulement de se reposer et de contempler les œuvres tout votre soul, mais il est également possible d’y consulter des ouvrages comme le catalogue de l’exposition. L’ouïe est également sollicitée puisqu’une bande son reprend l’une des rares partitions antiques qui nous soit parvenue et qui chante les louanges du dieu.

Le catalogue de l’exposition est un ouvrage très complet et de belle facture de plus de 250 pages. Il reprend l’exposition et la complète non seulement en approfondissant les thématiques, mais également en présentant des œuvres supplémentaires.

L’exposition Qui es-tu Apollon a été conçue pour s’adresser à un large public en multipliant les portes d’entrées dans le mythe. Jeux vidéo, Bande Dessinée, Webtoon sont également convoqués pour montrer combien le mythe antique est toujours présent dans la pop culture et se révèle intergénérationnel. Cependant, les amateurs d’art ne seront pas déçus et auront le plaisir d’admirer des œuvres de grands musées comme le Louvre ou la BNF. Reconnue d’intérêt national, il serait dommage de se passer de cette surprenante et pétillante exposition.