Pour les amateurs d’architectures et les amoureux du Japon, je vous propose une série d’articles sur les bâtiments les plus fascinants de Tokyo, principalement du point de vue architectural que, plus rarement, du fonctionnement.

Bannière Fascinantes architecture de Tokyo partie 1 : les musées

Ville tentaculaire, mégalopole pulsatile, Tokyo présente un visage fascinant, notamment par son architecture variée. Presque intégralement rasée à deux reprises au XXe siècle après le grand tremblement de terre du Kantô (関東大震災) puis dans les grands incendies provoqués par les bombardements sur la ville entre février et mai 1945 par l’aviation étasunienne, l’architecture Tokyoïte a de quoi faire tourner la tête des amateurs. Petite sélection des bâtiments les plus impressionnants parmi les 23 arrondissements spéciaux de la capitale.

Sumida

Cet arrondissement qui tire son nom du fleuve Sumida (隅田川) est très prisé des tokyoïtes et des touristes. De nombreux bâtiments dont la Skytree Tower située sur ses berges retiennent tout particulièrement l’attention des passants. Il en est de même pour le Musée d’Edo Tokyo et le tout nouveau Musée Sumida Hokusai.

Façade du Musée Edo-Tokyo à Tokyo, conçu par Kiyonori Kikutake en 1993
Façade du Musée Edo-Tokyo à Tokyo, conçu par Kiyonori Kikutake en 1993. (C) Wiiii (Wikipédia)

Musée d’Edo-Tokyo (江戸東京博物館) (35° 41′ 47″ nord, 139° 47′ 46″ est) ouvert en 1993 propose une construction originale de l'architecte métaboliste Kikutake Kiyonori qui s’inspire des anciens entrepôts dans le style traditionnel azekura-zukuri (校倉造) c’est à dire un grenier construit sur pilotis pour conserver les récoltes. Sa hauteur de 62,2 m renvoie à celle de l’actuel palais impérial de Tokyo où Tokugawa Ieyasu a installé le cœur du  Shogunat Tokugawa. Sa façade en terrasse n’est percée d’ouvertures qu’en très peu d’endroits afin d’assurer une bonne conservation des œuvres face à la lumière, à l’humidité et aux variations de températures.

Comptant six étages, principalement dévolus aux zones d’expositions, il propose de découvrir avec des maquettes, parfois ludiques, à taille réelle ou réduite des éléments architecturaux représentatifs de l’évolution d’Edo puis de Tokyo ainsi qu’une exposition d’objets d’époque au dernier étage. Des espaces d’expositions temporaires mais également d’activités liés à la programmation culturelle du lieu sont également présents dans les niveaux intermédiaires. Une vaste bibliothèque est présente au sommet du bâtiment. Enfin, deux restaurants et une boutique de souvenirs complètent les services proposés aux visiteurs

Malgré une première fermeture pour rénovation en 2018, le musée est fermé depuis février 2022 et jusqu’à la fin 2025 pour des rénovations majeures.

Façade du Sumida Hokusai Museum conçu par Sejima Kazuyo.
Le Sumida Hokusai Museum conçu par Sejima Kazuyo. (Photo : Sumida Hokusai Museum)

Musée Sumida Hokusai (すみだ北斎美術館) (35° 41' 46.835" nord 139° 48' 1.746" est) ouvert le 22 novembre 2016 a été conçu par l’architecte Sejima Kazuyo (une femme <3) qui a également participé à la conception du Louvre Lens avec son associé Nishizawa Ryûe (2012). Il s’agit d’un bâtiment à trois niveaux sis dans un petit jardin calme. Extérieurement, le Musée Sumida Hokusai brille de mille feux avec sa façade en panneaux d’aluminium qui recouvrent une structure aux formes géométriques. Comme son nom l’indique, le musée est consacré au maître de l’estampe japonais Hokusai Katsushika (1760-1849) qui est né dans ce quartier à l’époque d’Edo. 

L’intérieur du bâtiment est baigné de lumière, en particulier dans les espaces d’accueil situés au rez-de-chaussée et la salle de conférences. La bibliothèque et la boutique du Musée sont également situées sur ce niveau. Le sous-sol est aménagé en lieu de conservation et en salles de réunion (comme au Louvre Lens)

La visite débute au dernier étage par l’exposition permanente. Peintures, estampes, ainsi que des mannequins de cire retracent la vie du maître et de sa fille Oei (Cf l’anime Miss Hokusai). Le musée conserve en effet plus de 1500 œuvres en rapport avec Hokusai. Le noyau de la collection est constitué du leg du spécialiste de l’histoire de l’art, Narazaki Muneshige (1904-2001) et de l’ancienne collection ayant appartenu au collectionneur Peter Morse (1935-1993). L’arrondissement de Sumida y a également déposé les peintures et estampes dont il est propriétaire.

Le niveau inférieur est consacré aux expositions temporaires.
La scénographie est relativement sobre et la médiation propose des cartels en japonais et en anglais, ainsi que des écrans tactiles permettant de zoomer dans les œuvres pour en admirer tous les détails.
Petite anecdote cocasse, l’arrondissement à lancé dès 1989 un premier concours pour concevoir ce musée.

Taitō

C’est dans le quartier de la culture et du divertissement , entre les temples, le grand parc d’Ueno et les différents lieux culturels que se trouve l’un des musées à l’architecture la plus originale de la ville de Tokyo.

Façade du Musée National d'Art Occidentaux de Ueno
Musée National d'Art Occidentaux de Ueno, Taito-ku, Tokyo, Japan (c)663highland (Wikipedia)

Musée national de l'Art occidental (国立西洋美術館) (35° 42′ 56″ nord, 139° 46′ 33″ est) est situé dans un joli jardin de statues dans le parc d’Ueno. Seul musée d’état japonais dédié uniquement à l’art occidental, son bâtiment principal est dû à l’architecte franco-suisse Le Corbusier assisté des architectes japonais Sakakura Junzo, Mayekawa Kunio et Yoshizaka Takamasa. Construit de mars 1958 à mars 1959, le bâtiment sur deux niveaux et un sous-sol est en béton armé avec un toit terrasse. Le centre du bâtiment, laissé vide sur toute sa hauteur, dispose d’un éclairage zénithale alors que des travées de poteaux soutiennent le reste de la structure. Le second niveau est occupé par des mezzanines également éclairées par des lucarnes sur le toit et des fenêtres de différentes hauteurs sur un même niveau. Plusieurs rampes permettent de passer d’un étage à l’autre. Ces éléments sont emblématiques de l’architecture développée par Le Corbusier. 

Autre aspect, et non des moindres, du bâtiment, il a été conçu dès le départ pour pouvoir être agrandi en fonction de l’expansion de la collection ou des besoins du musée. C’est ainsi qu’un premier bâtiment est ajouté en 1964 pour abriter des bureaux et une salle de conférence, puis une billeterie en 1984 (Sakakura Associates) et enfin une nouvelle annexe en 1979 (Maekawa Associates). Depuis 2016, le bâtiment principal est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO aux côtés de  16 autres œuvres architecturales de Le Corbusier réparties dans sept pays.

Le sous sol accueille les expositions temporaires quand les bâtiments Le Corbusier et Maekawa abritent la collection permanente riche de plus de 6 000 œuvres, principalement des peintures, des sculptures et des arts graphiques couvrant une période allant de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle dont des œuvres de Monet, Renoir, Cézanne, Rubens et Van Gogh. De nouvelles œuvres sont régulièrement acquises sur le marché de l’art international.

En effet, le musée a été initialement conçu pour abriter la collection personnelle de l'industriel japonais Matsukata Kōjirō, troisième fils de Masayoshi Matsukata qui fut deux fois Premier ministre durant l’ère Meiji. Matsukata Kōjirō, ami de Monet dont il a acquis de nombreuses œuvres et admirateur de Rodin a accumulé dès les années 1920 à Paris une collection raffinée de plus de 350 œuvres. Au sortir de la seconde Guerre Mondiale, le gouvernement français confisque la collection et la conserve sous séquestre jusqu’en 1953 et le traité de paix de San Francisco où le Japon s’est engagé à construire un lieu dédié pour exposer la collection et mettre en valeurs les arts occidentaux.

J’espère que ce premier article sur l’architecture de Tokyo vous a plu. N’hésitez pas à mettre en commentaire vos impressions ou vos conseils de visite (musées). La ville de Tokyo étant très riche en musée, d’autres lieux seront prochainement ajoutés à cet article pour vous donner un panorama de l’architecture muséale classique et contemporaine de la capitale nippone. Pour le prochain article de la série « Fascinantes architectures de Tokyo » nous nous intéresserons aux commerciaux et sièges sociaux qui méritent le détour !

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