Correspondance privée et propriété intelectuelle un étrange duo...

On n’écrit jamais assez de jolies lettres manuscrites. Depuis quand n’avez vous pas sorti votre plus beau porte plume (oui, celui que vous utilisiez pour passer vos examens), votre papier à lettres et une belle enveloppe dont on lèche (avec horreur) le rebord pour la sceller ?

Et si, avant de vous lancer dans des déclarations douteuses et dégoulinantes à votre bien aimé(e) ou dans tout autre échange avec votre vieille marraine, vos voisins, l'administration ou quelque autre correspondant, nous nous penchions sur la protection de votre prose.

 

En effet, si en règle générale le droit d’auteur va servir à protéger les créations “de l’esprit” dites originales, la règle ne s’applique pas en matière de ‘lettres missives’ (terme juridique plutôt sympathique) dans la mesure où l’appréciation de l’originalité y serait assez subjective (puisqu’on vous le dit).

 

Ce n’est donc pas uniquement la qualité indéniable de vos poèmes envoyés à votre bien aimé(e) ni le caractère bouleversant de votre prose qui sera pris en compte pour vous protéger du vol de votre oeuvre d’art.

Néanmoins, tout n’est pas perdu, une lettre privée (ou lettre missive si vous suivez bien) pourra elle aussi obtenir la protection au titre du droit d’auteur si elle intèresse le public, et ce, notamment en raison de la qualité de la personne auteur et/ou expéditrice.

 

Ainsi, soit vous écrivez comme Victor, soit vous menez un échange de lettres enflammées avec une personne qui intèresse le public.

 

Après, il ne vous aura pas échappé que la question du droit d’auteur ne vous prive pas des différentes autorisations nécessaires à la publication de votre correspondance. Tout d’abord, si vous voulez publier votre correspondance, il est nécessaire de la récupérer puisque par principe vous la confiez à votre sympathique et souriant facteur qui la donne à votre correspondant bien (ou moins bien) aimé. Il vous sera donc nécessaire d’avoir son autorisation, ou, si vous êtes le destinataire et que vous voulez publier les lettres que vous avez reçues vous aurez besoin de l’accord de l’expéditeur.

 

En résumé, il est nécessaire de se concerter et n’oubliez pas de vous relire, je vous connais et je suis sûr que vous n’avez pas résisté à l’envie de dire du mal de Jeanine la divine voisine de votre homme qui lui tourne autour ou de Jeannot votre collègue qui passe sont temps à faire du bruit. Si vous souhaitez maintenir les lignes la/le concernant, il vous sera nécessaire d’obtenir l’accord de celle-ci/celui-ci sans quoi elle/il pourrait obtenir la censure des passages en question, voir des dommages et intérêts (ne faites pas l’innocent(e) je sais que vous avez été loin !).

 

Pour informations : 426 lettres de Ciceron nous sont parvenues et sont pour nous un témoignage primordial, alors par pitié cessez le Short Message Service et écrivez moi des lettres d’amour.

 

Pour ceux qui recherchent un sympathique correspondant voici un lien vers le site de l’association Canadian Coalition Against Death Penalty. http://www.ccadp.org/penpalsnew.htm

Cette association propose d’entretenir une correspondance avec un condamné à mort, ce qui devrait rentrer dans les critères d’attribution des droits d’auteurs.

Le Gros

 

Visuel :

Pompeo BATONI (Lucques, 1708 - Florence, 1787), Charles Joseph Crowle (1738 - 1811), Vers 1761 - 1762, H. : 2,48 m. ; L. : 1,72 m., Don de la Société des Amis du Louvre, 1981, R.F. 1981-37, Louvre département des italiennes Peintures : Aile Denon 1er étage

 

Sources  :

Article L111-1 L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
article L112-4 du code de la propriété intellectuelle énonce que le titre d’une oeuvre de l’esprit dès lors qu’il présente un caractère original est protégé comme l’oeuvre elle même. article L112-4 alinéa 2 dit que le titre peut continuer à etre protégé alors que l’oeuvre ne l’est plus. il y a tout de même la condition d’originalité qui est particulièrement délicate à apprécier notamment en matière d’oeuvre à protéger.
Retour à l'accueil